Raphaël

Siem Reap, le 23 janvier 2011

Puisque j’avais fait le point au premier anniversaire, certains m’ont demandé de réitérer cette année.
Et bien soit ! Sacrifions à ce qui va certainement devenir un exercice de style annuel.

Voilà donc deux ans que nous sommes partis. Je revois encore ma Bisounette nous emmenant à la gare… Je sais que je l’ai déjà dit l’année dernière, mais que voulez-vous certaines images s’imposent…

Qu’ai-je fait cette année ? Qu’est-il arrivé cette année ?
Mon magasin au night-market. Qui ne marchait pas si mal… J’y gagnais un peu d’argent. Mais je l’ai arrêté. Pourquoi ? Parce que ce n’était pas la vie que je veux mener. Rentrer à 1h de mat, ne pas pouvoir se lever quand Pauline allait à l’école, partir quant elle en revenait vers 17 h … Ne plus voir ma femme… Ce n’est pas pour ça que j’ai changé de vie. Donc allez oust !
L’expérience m’a plu. J’y ai beaucoup appris. J’ai bien rigolé. J’y ai gagné un peu d’argent. Voilà c’est bien. Passons à autre chose.
Annie et Robert sont venus nous voir en début d’année. Je pense que ça les a rassurés de voir que nous ne vivions pas au milieu des serpents, des mygales, des moustiques et des cannibales. L’expérience leurs à plu. J’en suis sûr. Ça a tellement plu à Robert qu’il est revenu en deuxième semaine.

Sophie et Pauline ont passé l’été en France. Moi je suis resté là. Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons : l’argent bien sûr. Un tel voyage n’est pas anodin. Le moindre resto en France n’est pas au même prix qu’ici… Mais pas que ça.
A l’époque j’ai étudié très à fond la possibilité de racheter un hôtel. Joli, 36 chambres, piscine… Et puis je ne l’ai pas fait. Ça s’est joué de peu. Si le proprio avait donné son accord pour prolonger le bail de 4 ans, j’y serai. Nous y serions.

Sophie devenue guérisseuse aussi ! Ça lui plait énormément. C’est une chose qu’elle aurait toujours aimé faire. Elle le fait. C’est bien. Évidemment au début ça fait drôle quand en pleine nuit on se réveille à coté d’une espèce de Yogi en position du lotus. Mais on s’y fait.

Et puis Adèle et Pierre sont venu en août. C’était très bien. Ils sont beaux mes enfants. Ils sont intelligents. Nous avons partagé de vrais bons moments, à découvrir des choses ensembles, à partager nos réflexions, nos étonnements.
Adèle fait aussi maintenant ce qu’elle veut. Après s’être battu contre le monde entier (moi compris) pour intégrer une école de commerce elle a fini par y arriver. Elle suit ses études à Paris, a un petit studio qui lui sert de nid.
Pierre semble s’engager dans les études. Il est installé à Nancy, dans des conditions qui semble assez proche de ce que furent les miennes avec Olivier.

Pauline va super bien. Elle s’est forgé un groupe d’amis à l’école. Elle est super gentille, obéit bien, a l’humour de ses frères et sœurs. Que du bonheur.

Quant à moi me direz-vous ? Et bien que demander de plus ? Les gens que j’aime sont heureux.
Une activité économique épanouissante … (j’y travaille) et c’est tout.
Pour reprendre ce que j’avais dit le soir de notre mariage :
« Aujourd’hui où nous avons tendance à confondre bonheur et bien être, et bien je peux l’affirmer : je suis heureux ».


Siem Reap, le 25 novembre 2010.

Voilà donc un an que nous sommes partis. Le moment est donc propice à faire le point.

Je revois Adèle qui était venu nous chercher dans le frimas des matins de novembre. Les derniers câlins, les aurevoirs, les dernières recommandations et nous voilà en partance pour l’Extrême-Orient.
Où exactement ? Nous ne savions pas. Nous avions juste réservé une chambre d’hôtel à Hanoï par l’intermédiaire de Thierry.

Pour beaucoup notre projet semblait fou. Or il ne l’était pas. C’est un projet que nous avons longuement mûri des années durant.
Aux grés de notre route, nous nous sommes aperçus que nous n’étions pas les seuls à partir comme ça. Nous en avons croisé pas mal de ses couples qui ont larguer leur amarres et qui partaient explorer le monde. Certains avec leurs enfants, d’autres qui avaient attendu la retraite. Certains qui avaient un programme, d’autres qui se laissaient porter par leur envie. Tous qui en avaient ras le bol de la vie qu’ils menaient en occident.

Très vite nous nous sommes aperçus que nous avions pris beaucoup trop de bagages ! C’est rigolo, nous qui avions presque tout vendu ou donné, nous nous retrouvions avec encore beaucoup trop de trucs qui allaient s’avérer totalement inutiles et même encombrants. Heureusement nous pûmes en laisser une valise complète chez Thierry (et encore nous aurions du en laisser plus.)

Nous sommes de ce type de voyageurs qui aiment à prendre leur temps. Nous n’avons jamais cherché à aligner le plus de spots dans un minimum de temps. C’est un peu l’apologie de la lenteur. N’étions-nous pas partis dans le désert à dos chameau ? N’étions-nous pas resté à Chiang Mai en Thaïlande une dizaine de jour avec Olivier, à prendre le temps de sentir l’air de la ville ?
Voyager avec Pauline a accentué cette tendance naturelle à prendre le temps dans les endroits qui nous plaisent. C’est vrai qu’ici les distances n’ont pas les mêmes significations qu’en Occident. Voyager, c’est souvent une journée dans les transports. C’est fatigant. C’est long. Sophie et moi, nous nous régalons des bus locaux qui cahotent sur la route, des petits bateaux motorisés dont il faut débarquer lorsqu’on franchit un rapide, mais, c’est éprouvant pour Pauline, qui même si elle ne se plaint pas, en ressort assez fatiguée. Voilà pourquoi nous nous sommes arrêtés longtemps dans certains endroits qui nous plaisaient particulièrement : un mois à Phu quoc, trois semaines à Phnom Penh, cinq semaines à Luang Prabang.

Et si nous nous sommes arrêtés de voyager en mai et nous sommes installés à Siem Reap, c’est que nous avons senti chez Pauline le besoin de se poser. Nous sentions chez elle le besoin d’avoir des repères un peu plus fixes : sa chambre, sa maison, ses petites habitudes qui sont si rassurantes pour les enfants (et les petits vieux, qui commencent à avoir un peu peur du monde qui les entoure) et puis le besoin aussi d’être avec d’autres enfants.
Sophie lui dispensait les cours du CNED avec beaucoup de talent. Ces cours sont vraiment très bien faits. Et notre mode de vie nous permettait de nous adapter aux rythmes de Pauline. Ainsi, si nous avions voyagé et qu’elle était fatiguée, nous attendions qu’elle soit reposée. Nous n’étions pas assujettis ni aux week-ends, ni aux vacances et ce programme a porté ses fruits puisque Pauline savait lire déjà en août quand tous les enfants qui étaient avec elle à l’école à Montigny ne le sauront qu’à Noël.
Mais l’école dispense un autre enseignement qui n’est pas livresque : celui de la vie avec les autres, des bleus, des bosses, des jeux, du partage, et ça nous étions incapables de le lui fournir. Même si j’ai usé mes genoux à jouer un nombre incalculable d’heures aux Pets-shop et autres legos avec elle, je ne suis pas un gamin de 5 ans et nos relations ne sont pas les mêmes.
Aussi, avons-nous décider de nous arrêter pour la scolariser. J’ai déjà expliqué notre choix de l’école internationale dans un article précédent, je n’y reviendrai pas.

Nous voilà donc à Siem Reap depuis six mois. Pourquoi Siem Reap ?

Parce que Siem Reap offre tous les avantages du XXI ieme siècle : l’école, l’hôpital, les routes, un aéroport et Internet. Il a raison Jean-Yves quand il dit que ce n’est pas le bout du monde Siem Reap. Nous avons tout ! Ou plutôt nous avons tout ce que nous pouvons avoir besoin. Et Siem Reap, c’est pourtant presque la campagne : pas de bouchon, pas de stress, le calme.
Et puis Siem Reap, c’est la majesté des temples d’Angkor.
Et puis le Cambodge c’est la simplicité absolue en termes de visa et de business. Presque pas de formalité.
Des gens gentils, accueillants, souriants…
Un climat où il fait chaud toute l’année et qui ne connaît pas les cyclones…

Pour ma part, j’aurai peut-être préféré Luang Prabang. La ville (encore un peu perdue au milieu de ses montagnes) me plaisait énormément : une ville un peu loin de tout dans un pays un peu loin de tout. J’y ai fait la rencontre de gens extraordinaires avec lesquels nous serions certainement devenus proches. Et j’y avais une idée de business à lancer.

A Siem Reap par contre, j’avoue que je sèche un peu. Certes, il faut un peu de temps, pour regarder, se tisser un réseau social pour connaître les ficelles qui nous permettraient de ne pas tomber dans les arnaques les plus grossières, et il faut laisser un peu de temps au temps. Il y a certainement plein de choses à faire mais soient elles m’échappent, soit elle ne sont pas dans mon domaine de compétence soit elles ne me tentent pas, ou vraiment pas. Car disons le franchement : nous n’avons pas fait tout ce voyage pour faire quelque chose qui ne nous plairait pas ! C’est le luxe que nous offre notre expatriation.
Car le gain : il est là ! Ce sentiment de liberté, d’absence de contrainte ou en tout cas en avoir le minimum possible. Nous ne faisons que des choses que nous avons envie de faire et nous consacrons uniquement à ce que nous jugeons important.

Bien sûr, ça a un coût.
Ce coût à un nom : le départ. D’où cette question « Qu’est ce qui me manque le plus ici ? »

Les enfants bien sûr !
Encore que …
Encore que depuis que je suis parti je n’ai jamais été aussi proche d’Adèle. La rareté de nos relations a peut-être participé à en améliorer de leur qualité. Nous avons passé plus de deux semaines extra- ordinaires quand elle est venue en mai. Deux semaines comme nous n’en avons rarement passées. Elle reviendra en février.
Quand à Pierre, je ne sais pas si je le verrais plus en étant à Metz. Ici, au moins je dispose de l’excuse de la distance pour expliquer notre « éloignement ».

Nous avons partagé notre toit avec Annie un an et demi durant. J’aimais bien. Et Robert qui nous rendait visite le dimanche. Les toulousains, toujours près à nous accueillir, même si on y allait rarement, bien qu’encore une fois, nous n’avons jamais conversé plus sur le chat que depuis que nous sommes partis.

Ce que je regrette aussi c’est de ne plus voir mes amis (et, à part pour certains, leur correspondance par mail s’étiole au fils de temps, loin des yeux..).
« Ces longues soirées de juin où le soleil traîne des pieds pour aller se coucher et où nous buvions (un peu trop) sur notre terrasse en discutant de tout, de rien de l’important et du futile … » Voilà l’image typique de ce qui peut manquer.
Et ce qui manque aussi, c’est la culture. Les bouquins (le centre culturel est un peu pauvre…), les spectacles, le cinéma… et tout ça. Nous, qui n’avions pas la télévision nous retrouvons à en avoir trois mais une seule chaine : TV5 monde.
Et puis, le théâtre auquel j’avais tâté les deux dernière années.

Voilà, c’est à peu près tout.

Donc un bilan, vous l’aurez deviné extrêmement positif. Je me suis rarement senti aussi bien.

Alors, des projets ?
Se laisser couler dans un présent perpétuel et bienheureux ? Pourquoi pas ?
C’est une option.

Trouver une activité économique épanouissante…
Continuer à me cultiver, à lire (je trouve que je ne lis pas assez)…
Continuer à voyager, car il y a encore tant et tant à découvrir …
Recevoir chez moi ceux d’entre vous qui viendront, pour leur faire découvrir le pays…
Continuer de jouer avec ma fille…

En fait de projet, je réalise que je formule plutôt des souhaits qu’il ne tient qu’à moi de réaliser.

En tout cas, pour l’instant, pas du tout l’envie de rentrer.

Hanoï, 27 novembre 2009
RAF2Tout quitter n’est pas si simple.
C’est faire un choix et choisir …c’est renoncer.
Renoncer à voir mes deux Grands grandir encore

Renoncer à nos amis

Renoncer à la sécurité et au confort de la France

Pourquoi partir alors ?

Beaucoup d’entre vous trouvent ça courageux, pas moi. Il suffit d’un grand ras-le-bol de la vie qu’on mène. Un jour, on se retourne et on se demande si l’on vie la vie qu’on rêvait d’avoir quand on avait 17 ans. Dans mon cas la réponse est bien sur négative.

Alors deux solutions : la résignation ou l’action.

J’ai choisi l’action. J’ai eu la chance que Sophie me suive. Nous avons attendu que les Grands deviennent grands, qu’il aient moins besoin de moi. Ils sont lancés dans la vie maintenant. Ils sont beaux, intelligents, en bonne santé. Ils sont armés pour mordre la vie à pleines dents Nous faisons le pari que la petite est encore assez petite pour nous suivre sans problème. Nous espérons lui faire découvrir un peu le monde, ouvrir son horizon.

Par avance excusez-nous de ne pouvoir donner des nouvelles à chacun, le temps nous manquera, je le sais. C’est pourquoi nous avons crée ( avec l’aide de Raphaël ) ce blog. Vous pourrez nous y suivre dans notre périple, découvrir nos aventures, commentez ce que vous voyez.