La Neak-Ta thérapie

Jeudi matin, Sophal s’est réveillée avec un mal de tête (elle dort chez nous tous les mercredis soirs, pour que nous puissions aller à notre répète de théâtre).
Depuis quelques jours Sophie n’était pas dans son assiette non plus.
Il n’en a pas fallu plus à notre chère Sophal pour consulter une de ses amies qui est « Krou ».
Un « Krou » littéralement, c’est celui qui sait, un initié…
C’est celui qui a un rapport particulier avec les esprits. Et des esprits, le Cambodge en est plein. Notament ce que nous, Barang, appelons « esprits fonciers » et que les khmers appellent « Neak Ta » (personne-grand-père). Ces esprits qui n’ont rien à voir avec les pauvres fantômes que nous sommes allés nourrir à Beille Beune, vivent dans les arbres, les pierres, et sont attachés à un lieu. Si on les contrarie, les dérange, ils nous envoient des maladies. Parfois d’ailleurs il leur suffit d’être de mauvaise humeur pour nous pourrir la vie.

Vous comprendrez dès lors, qu’il est très important d’entretenir avec eux des relations de bon voisinage.

Ainsi, la première précaution quand on construit une maison est de leur construire une petite maison rien que pour eux que l’on prendra jolie et sur laquelle on offrira des offrandes régulièrement.

Donc au Cambodge, point de maison sans qu’il n’y soit accolée ce qui ressemble à un petit temple.
Sauf… Sauf… chez nous !



L’autel de l’un de nos voisins. Celui ci est particulièrement important pas rapport à la maison. Quelques fois ça ressemble juste à une espèce de boite aux lettres.

Ici, c’est un autel devant une banque. C’est sur que les Neak-ta ont intérêt à ce que celui qui occupe leur terrain soit blindé de tunes!

C’est un hollandais à qui appartient notre maison, médecin en plus. Donc la quintessence de l’esprit-scientifique-sûr-de-lui qui peut-se résumer ainsi « Tout ce que nous n’avons pas encore découvert n’existe pas »

Or le Krou est formel : Le Neak ta n’est pas content ! Comment faire pour l’apaiser ? Lui construire cette fameuse petite maison ? C’est sûr, mais nous ne sommes pas chez nous… On se rabat donc sur l’offrande. Sophal est allée acheter un canard, l’a fait cuire. (les Neak-ta aiment bien le canard me dit-elle)



Le Neak-ta mange l’après midi, faut le savoir.

Nous voilà donc devant un autel de fortune sur lequel nous avons diposé, canard, bougie, encens et … bière (la bière c’est une idée à moi. Je me suis dit que le Neak Ta serait ravi d’étancher sa soif. Et puis je doute que Sophal eu prit l’initiative de prendre une de mes bières dans le frigo. J’aurai pu aussi, m’a-t-on dit ensuite, lui offrir quelques cigarettes).
Les voilà donc, Sophal et Sokha notre jardinier accroupis à faire leur prière. Les Neak Ta étant des esprits fonciers khmers, pas besoin de réciter des litanies en pali. Le simple khmer de base suffit. Je ne comprends évidemment pas tout. Mais je saisis qu’on lui demande de nous épargner et d’accepter l’offrande qui lui est faite.

Depuis ce jour, Sophal n’a plus eu mal à la tête et Sophie se porte comme un charme.

CQFD.

Raf

Posté le 02 décembre 2012 par dans Cambodge

2 réponses to “La Neak-Ta thérapie”

  1. descamps :

    3 décembre 2012 at 14:13

    On pourrait retourner l’argument : « tout ce qui existe n’a pas encore été découvert ». J’aime bien l’idée des esprits tutélaires. Ma question est la suivante : il l’a bouffé son canard ?

  2. descamps :

    5 décembre 2012 at 9:13

    Le père Ponchaud dit que l’origine de la fête des eaux est la réunion de tous les neak-ta pour honorer leur chef le neak-ta de PP. Comme elle a été annulée ces deux dernières années ton neak ta a été privé de vacances et ça a pu le mettre de mauvaise humeur. Ca me paraît logique …