Beille Beune

Au Cambodge il y a deux fêtes annuelles très importantes : le nouvel-an et la fête des morts.
Cette dernière a eu lieu la semaine dernière. (c’est pourquoi nous étions en vacances et que nous en avons profité pour filer en Thaïlande).
Mais ce n’est pas exatement de Tchoum Ben (la fête des morts) dont je voudrais vous entretenir aujourd’hui mais d’un rite particulier qui se déroule pendant quinze jours avant : Beille Beune.



Il faut d’abord savoir que les gens mauvais (trés mauvais) ne se réincarnent pas en être humain mais qu’ils vont en enfer… grrrr. Et là les attentent plein de supplices qui n’ont rien à envier à ceux peints par Bruegel.
L’un d’eux est tout simplement de les affamer. Ils n’ont rien à manger et sont perpétuellement tourmentés par la faim.

Toutefois, dans sa mansuétude, le Bouddha a permis que les âmes damnées puissent sortir nuitament des enfers durant quinze jours, avant la fête des morts, pour aller se nourrir.

Beille beune c’est ça !

Durant quinze jours, il s’agit pour les cambodgiens d’aller en pleine nuit à la pagode pour aller nourrir les fantômes. (dés fois qu’un membre de la familles en soit, ou simplement par charité). Pour ce faire, ils se relayent : tel quartier tel jour, tel autre quartier tel autre jour…

Cette pratique m’intéressait beaucoup. Cependant, j’étais partagé entre une saine curiosité envers une culture qui n’est pas la mienne et la peur de tomber dans le voyeurisme le plus obscène à photographier les fidèles dans leur spiritualité. – J’avais déjà évoqué ce dilemme lors de la quête des bonzes à Luang Prabang-.
Mais cette fois c’est Sophal qui m’a proposé d’y aller avec elle et le jardinier. J’ai sauté sur l’occasion.

Reveil à 3h30 le matin. L’heure à laquelle les tambours des pagodes appellent les fidèles à la prière de leurs chants sourds.


par un fait exprès j’avais eu du mal à m’endormir la veille… Je me demande, si tombant nez à nez avec un fantôme lequel de nous deux aura la plus sale geule…

Sophal avait préparé la veille les offrandes à consacrer : des petites boulettes de riz gluant.(Il faut savoir, que par je ne sais quelle transformations morphologiques, les fantômes ont de toutes petites bouches, ce qui les empêchent de prendre de grandes bouchées)



Arrivées à la pagode, les offrandes sont bénies par les bonzes. Les litanies bouddistes sont en Pali (Il faut le savoir, Le pali n’est pas la langue du Bouddha, mais la langue du Sry Lanka où furent écrit les premiers textes bouddhistes). Sophal avait d’ailleurs passé toute la journée d’hier à apprendre par coeur un petit texte en Pali, dont elle ne comprend pas un traître mot. (J’imagine qu’elle éprouve ce qu’éprouvaient les ouailles catholiques avant Vatican II avec les messes en latin)



Ensuite on sort tous, et pieds nus on va faire trois fois le tours de la padoge et déposer de-ci de-là nos petites boulettes. Peut-être avez vous remarqué que dans les offrandes figure un peu d’argent… On le dépose aussi de-ci de là… Ici point de fantôme en vu, mais des enfants qui récoltent les maigres billets.



Sophal avait vu la dernière fois quelques fantômes : des formes fugitives apparaissants aussi soudainement qu’elles disparaissaient. Elles se tenaient assez loin des humains. Pour ma part, je dois confesser ne pas en avoir vu. J’ai pris des photos à tout hasard…



Cette pratique est certainement antérieure au Bouddhisme.
Toujours est-il que nous sommes revenus à la maison à l’heure où l’aube blanchit les rizières et que content, je suis retourné me coucher.

Raf

Posté le 25 octobre 2012 par dans Cambodge, L'Orient

2 réponses to “Beille Beune”

  1. descamps :

    28 octobre 2012 at 20:15

    Si j’ai bien compris ce que m’a expliqué ma copine cambo le roi des enfers (dont j’ai oublié le nom) libère les esprits des morts pour faire le tour des pagodes et recueillir les « bonnes vibrations » des vivants. Si au bout de 7 pagodes ils n’ont toujours pas à manger malheur aux radins. Il doit y avoir pas mal d’aspects qui m’ont échappé 🙂

  2. descamps :

    29 octobre 2012 at 13:32

    Je n’y connais pas grand chose mais ce bouddhisme cambodgien m’a l’air profondément teinté d’animisme. Ca me va très bien les esprits qui se promènent :-). C’est un peu « mon » Afrique. Ma copine cambo (en tout bien tout honneur) me fait parfois rire parce qu’elle a une naïveté (dans le bon sens du terme) très éloignée de notre cartésianisme radical tout en étant une scientifique de haut niveau. Elle est à la frontière de trois mondes : sa grand mère juive marocaine observante, sa mère cambodgienne « proche du palais » et son père chirurgien hollandais bon batave. J’aime bien les gens « fracturés ». Ils sont souvent plus « ouverts » que les autres.