Ma fille, les étoiles, une rose et un allumeur de réverbères.

La mémoire nous échappe.
Non qu’on ne se souvienne plus de rien mais plutôt que nous ne sommes pas maître de ce qu’elle retient.



Ainsi je me souviens parfaitement en quelle occasion me fut offert le Petit Prince de Saint Exupéry et qui me l’a offert. (Cet épisode n’a duré qu’un instant et pourtant il est inscrit à jamais dans ma mémoire, sans même que je ne le veuille alors que les verbes irréguliers anglais ont tant de mal à s’y faire une place malgré des efforts intensifs et répétés )
C’était un livre d’une vingtaine de centimètres dont le texte était agrémenté des aquarelles de l’auteur. Je trouvais les dessins assez moches et sans grand intérêt (sauf celui du boa-ouvert). J’avais six ans. J’apprenais à lire, mais ma gaucherie dans ce qui était encore du décryptage, l’épaisseur désespérante de l’œuvre et la médiocrité des dessins me découragèrent assez vite d’en tenter la lecture. L’intérêt du cadeau était ailleurs… L’ouvrage était en effet doublé d’un disque (vinyle bien sûr ai-je besoin de vous rappeler mon âge ?) 33 tours qui reprenait l’histoire. Gérard Philippe prêtait sa voix au narrateur et ce n’est que dernièrement que j’ai identifié celle de l’Allumeur de réverbère (personnage pour lequel je voue une affection particulière) comme étant celle de Pierre Larquey acteur de second rang mais perclus de talents comme il y a tant dans le cinéma français.
Ma paresse pouvait se cacher tranquillement dans les habits de la modernité toujours à l’avant-garde du progrès. Il me suffisait de mettre mon disque sur le tourne-disque, de le retourner à mi écoute, pour jouir sans peine de l’histoire.

Depuis la première écoute, j’ai toujours beaucoup aimé le Petit Prince. St Ex aussi. Il fait partie de ces auteurs qui savent extraire d’une histoire particulière des réflexions universelles qui interpellent chacun.

Or cette semaine, en plaisantant avec Pauline je lui ai dit
– Voilà la boîte, le mouton que tu veux est dedans !

Sachant bien, qu’elle ne pouvait pas comprendre, je lui racontais la scène…
Devant ses yeux gourmands, je décidais de me procurer le livre. Aussitôt pensé, aussitôt fait et le soir même je lui lisais le premier chapitre. Et depuis, chaque soir, je lui lis un chapitre…

Vous comprendrez certainement ma joie, quand ce matin Pauline m’a confié sur la moto alors que je l’emmenais à l’école qu’elle avait lu le quatrième chapitre toute seule hier soir, en catimini alors que je la croyais en train de dormir (C’est vrai que j’aurais du me douter de quelque chose au lieu de me féliciter benoîtement qu’elle se soit endormie sans me rappeler une dizaine de fois comme elle le fait d’habitude).
Hélas elle m’avoua ne pas avoir compris grand chose et me demanda des explications. La moto n’étant pas le meilleur endroit, je différais l’explication de texte à ce soir.

Alors ce soir, quand pour beaucoup d’entre vous il ne sera que 14h, pensez qu’il y a sur cette terre quelque part, un papa et sa fille qui parlent d’étoiles, de roses et d’allumeurs de réverbère. Et que rarement Papa fut plus heureux.

Posté le 09 mars 2012 par dans Non classé

5 réponses to “Ma fille, les étoiles, une rose et un allumeur de réverbères.”

  1. descamps :

    9 mars 2012 at 7:57

    C’est très joli. Moi même jeune adolescent j’avais adoré « la gloire de mon père » de Marcel Pagnol. Ces collines que j’imaginais inondées de soleil depuis ma Belgique pluvieuse, le « grozibou », l’ami « Lili des Bellons ». Je n’imaginais pas alors que 30 ans plus tard j’habiterais au pied de Garlaban dans le joli village d’Aubagne. Et comme toi, tous les soirs, je lisais à mon fils Aurélien ce livre qui m’avait tant marqué. Mais il y avait un petit plus : le week end nous prenions le pique-nique et avec le chien Garou nous parcourions ces merveilleuses collines « en vrai » : le vallon de Passe-Temps, les barres du St Esprit , Tête Ronde, Tête Rouge, les sources et même la « grotte du grozibou ». Amitiés. Thierry

  2. Eva Kaenzig :

    12 mars 2012 at 21:59

    Votre blog est tout simplement sensationnel. Il exprime l’émerveillement face au monde inconnu que j’aime tant chez St-Ex. Vous mettez en parole ce que votre fille dit avec son regard: les yeux grand ouverts, le plaisir éclatant de la découverte. Je vous lis avec joie et reconnaissance. Moi qui suis tombée amoureuse du Cambodge, je suis comblée en attendant d’y retourner en décembre.

  3. Didier :

    13 mars 2012 at 5:23

    J’ai plusieurs éditions de ce livre que je considère comme une référence. J’ai mis celle que mon épouse m’a offert dans le vaisseau de mon adorée belle-mère lorsqu’elle est partie rejoindre l’astéroïde B612.

  4. Christine :

    14 mars 2012 at 8:09

    Merci pour ces petites bulles d’oxygène … bises à vous trois

  5. Virginie :

    17 mars 2012 at 1:17

     » On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux.  » C’est bien une citation du Petit Prince, je ne me trompe pas ? Ton message m’a donné envie de le lire à nouveau. Un livre que j’ai aussi offert il y a quelque temps à ma nièce, une édition enrichie des aquarelles de Saint-Exupéry himself : magnifique ! Je te souhaite encore de merveilleux moments de lecture avec Pauline, Raphaël ! A partager aussi avec Sophie, ce livre est universel.
    Bizzzz