Le mariage du Frère de Ment

Au marché de nuit, vous savez ce que c’est : on a pas des clients tout le temps… Alors on discute avec son voisin de droite, avec celui de gauche. On parle du temps et de la fréquentation. Et puis des affinités se créent.

C’est ainsi que j’ai rencontré Ment, un gars qui vendait des tableaux. Tous les jours il enchaînait la vente de statuette au Banktey Day (un temple du site d’Angkor) et la vente au marché de nuit. Donc tous les soirs, il faisait une quinzaine de km pour rentrer chez lui.

Or voilà qu’il y a peu il m’appelle pour m’inviter au mariage de son frère. Je suis très honoré et j’accepte.

ma voisine de table. Les khmers prennent très souvent un air très sérieux sur les photos alors que la seconde d’avant il affichait un très large sourire.

Les mariages ici, (comme partout d’ailleurs) c’est toute une histoire.

Leur durée dépend directement de la richesse des familles, Trois jours pour les plus fortunées, un seul pour les moins riche. Les mariés ont à faire tout en tas de choses dont la symbolique m’échappe totalement. Par exemple, ils doivent changer 7 fois de costumes durant la cérémonie… pourquoi ? Qu’est ce que ça représente ? j’avoue ne pas savoir. Chaque marié arrive flanqué de trois ou quatre demoiselles-garçons d’honneur… qui suivent aussi les changements vestimentaires. Les boutiques de location d’habits de mariage sont nombreuses…

Un rite m’a été expliqué. A un moment de la cérémonie la mariée lave les pieds de son époux qui lui remet en échange un billet. La future mariée exprime en lui lavant les pieds sa soumission et lui en donnant de l’argent il signifie qu’il lui remettra l’argent qu’il gagnera et que se sera à elle de le gérer.

Autre chose : on ne se marie pas quand on veut. Quand on veut se marier, on va voir les bonzes qui après de savants calculs prenant en compte; la position lunaire, la date de naissance des promis, (l’âge du vénérable) choisissent la date propice pour célébrer les noces.
Il y a quand même une saison du mariage. C’est mars-Avril, juste avant le nouvel an Khmer. Cela s’explique sans doute par une relative tranquillité du travail des champs. C’est la fin de la période sèche. Quand la pluie arrivera, il faudra labourer les rizières, semer le riz, le replanter, bref peu de temps à consacrer à la noce. Bien sûr quand un mariage est célébré en juin comme celui-ci, il en est toujours à penser que dans le calcul sacré des bonzes intervient un élément supplémentaire qui pousse à hâter les épousailles pour respecter un délais décent entre celles-ci et un heureux événement à venir.

Donc, vous l’avez compris le mariage Khmer reste pour moi mystérieux. Mystérieux et casse pieds !
Casse pieds oui ! Parce que quand ils célèbrent un mariage, ça commence à quatre heures du matin. Il y a toujours un mur d’enceintes pour que tout le voisinage en profite. (Les amplis vendus ici, n’ont que deux positions : éteints ou beaucoup-trop-fort-dépassant-allégrement-les-limites-de-la-saturation . Et je vous rappelle que ça peut durer trois jours de suite…
Que ce soit, en pleine ville ou dans la campagne, c’est pareil. Malheur à celui qui a un mariage dans son voisinage.
J’en connais qui ont quitté leur maison pour aller dormir à l’hôtel le temps que ça se passe.


Vous comprendrez donc mon état d’esprit curieux, content, fier, et un peu coincé de peur de faire une gaffe.

D’habitude ça se passe comme ça : on arrive. On complète une table. Quand elle est complète, on commence à servir à manger. Les plats s’enchaînent. Quand on a fini de manger, on s’en va en laissant une petite enveloppe.
Pour moi, ça va être un peu différent, Ment, dans une charmante attention m’a réservé une place à une table où tous les gens parlent anglais. C’est une très charmante attention. Mais hélas un peu inutile, la sono est tellement forte que toute discussion est impossible.

Le menu
Pour le repas, je ne fais pas mon végératien-casse-pied. Je goûte poliment à tout. Des plats à bases de porc, de poulet, de crevettes et de riz bien sûr. Le tout assaisonné de Prahoc, une espèce de pâte confectionnée à base de poissons pourris dont les Cambodgiens raffolent et qui, ma foi, se laisse manger (avec du jus de citron)

Une fois de plus, je suis effaré par ce que mes compères peuvent boire. Quand ils ouvrent une cannette, ils la partagent. Toujours. On ne boit pas seul en Asie, c’est impoli. On partage. J’ai beau mettre des glaçons dans ma bière, je m’aperçois, que ça ne suffit pas. A ce rythme-là, je ne tiendrai pas la distance. Alors, je coupe avec de l’eau. Beaucoup d’eau. On trinque à tour de bras. Personne ne me force à boire.

Et puis soudain. Il pleut. Mais il pleut comme ici il pleut. Les écluses célestes qui s’ouvrent. Bien vite, le sol se transforme en gadoue. On resserre les tables. On se presse de manger. Pas moi. De toute façon, je ne compte pas rentrer à Siem Reap sous une flotte pareille. Les serveurs s’activent. Ment est content que je reste. Il en retient quelque uns pour les obliger à danser.

Une fois tout le monde parti, il veut encore que je reste. C’est à la famille de se restaurer enfin. Ment insiste pour que je reste un peu. Il veut me montrer sa maison. Je suis à côté d’un vieux bien sympathique. La sono s’est tue, mais mon Khmer est trop pauvre pour qu’on échange autre chose que des banalités.

Il pose sa main sur ma cuisse en geste d’affection.
Je vais donc attendre que le repas se termine pour aller dans sa maison.

J’allais presque oublier l’enveloppe… Quand on est invité on remet une enveloppe. Là j’ai fait appel au chibani, aux expats 25 ème niveau. Combien mettre dans l’enveloppe ?
En tant que Barang, je suis supposé être riche (et c’est vrai que par rapport à eux je le suis). Ne pas mettre assez c’est passer pour un radin et perdre la face. Mais, mettre trop, c’est écraser l’autre de sa richesse. Il faut savoir que tous les dons vont être scrupuleusement inscrits dans un cahier, pour pouvoir se souvenir exactement de combien chacun à donné. Et ainsi, pourvoir lui rendre à l’occasion la pareille. Si je donne trop, il sera mal à l’aise parce qu’il ne pourra jamais me le rendre. Donc exercice difficile. La Vox Chibani s’accorde sur 15$. Je donne donc mon enveloppe… on me remercie sans l’ouvrir. On me remercie d’être venu. Je pars avec Ment vers sa maison. Mais ça, ce sera une autre histoire…

Ment et son fils
Un bonne journée riche d’expérience et de contact.
Raf

PS : Je suis désolé je n’ai pas de Photo des mariés. Je n’ai pas eu le temps. Je fut happé par Ment à peine arrivé. Et quand je quittais la table ils avaient disparus. en fait ils s’étaient sans doute changés… et comme je ne les connaissait pas… désolé.

Posté le 25 juin 2011 par dans Cambodge

Une réponse to “Le mariage du Frère de Ment”

  1. labourel robert :

    29 juin 2011 at 14:21

    superbe expérience, as tu tenu le choc ?