Lego géant

En déjeunant tranquillement face au Bayon (ça aussi c’est chouette. Ça me fait penser quand nous prenions une collation à Chambord face au château), nous avons fait la connaissance d’un français (c’est rigolo, il suffit d’être peu dans un endroit pour entamer la discussion avec notre prochain, alors que quand on est très nombreux on ne le fait pas…). C’était le chef de chantier du Baphuon.

Le Baphuon est un des temples d’Angkor Tom. Son histoire est celle de presque tous les temples Khmers. Il fut d’abord un temple hindouiste. Le français nous a confié que sa construction fut difficile et qu’il est attesté aujourd’hui qu’il s’était effondré lors de son édification. Comme presque tous les temples khmers il ne fut pas achevé, chaque souverain préférant marquer l’Histoire de son temps en édifiant de nouveaux temples plutôt que de finir ceux de ses prédécesseurs.
Quand au procédé de fabrication il est assez simple : on pose les blocs les uns sur les autres. Il n’y a pas de mortier, presque pas de tenons ni mortaise. Les pierres sont taillées sur place pour les faire correspondre avec les précédentes.

Au XVIeme siecle, on décide d’en faire un sanctuaire bouddhiste. Avec l’édification d’un gigantesque Bouddha couché qui mesure plus de 80 m de long. Pour cela rien de plus simple que de prendre les blocs de pierre présents sur les superstructures du temple hindou. On démonte ainsi le temple pour construire le Bouddha. Mais suivant le même procédé : On retaille les pierres et on les empile.
Évidemment l’abandon, le temps, l’érosion, les arbres vont mettre à mal l’édifice. Il s’écroulera, du moins en partie, notamment en 1943 et à la fin des années 1990. Et maintenant muni des simples descriptions qu’en ont fait les archéologues, et de quelques photographies des années 1900, notre chef de chantier tente de le reconstruire.

44 000 pierres rien que pour le Bouddha… éparpillés… certaines manquantes, beaucoup usées, qu’il faut remettre dans l’ordre. Quelques fois, il faut retailler de nouvelles pierres. Ils ne le font que quand elles manquent à la lisibilité de l’ensemble ou qu’elle manque à la stabilité de l’ensemble (exemple, on a les pierres du dessus, mais pas celle du dessous)
300 personnes travaillent sur le chantier quotidiennement. Un travail de romain. Heureusement il existe maintenant des outils informatiques qui permettent de modéliser les blocs de pierres et d’aider à les repositionner dans l’ensemble.

Petite anecdote pitoyable :
Avant-guerre, l’école française d’Extrême-Orient s’est bien aperçue que le temple risquait de s’effondrer. Elle décida alors de démonter les parties fragiles, de stocker les pierres dans la forêt, en ayant bien sûr pris le soin de les référencer, de les archiver pour que, plus tard, quand la reconstruction du temple serait ordonnée, il n’y ait plus qu’à les reprendre et les remonter. Les registres étaient archivés à Phnom Penh. Hélas, les Khmers Rouges les jugeant comme étant des vestiges de l’impérialisme, les ont tout simplement… brûlés !
Maintenant notre chef de chantier se retrouve avec des champs de pierres, soigneusement alignées, numérotées, mais hélas, il ne sait pas à quoi ça correspond… Un peu comme une boîte de légo dont aurait perdu la notice, la boite et quelques pièces ( les pieds du Bouddha sont introuvables)…

Posté le 14 mai 2010 par dans Cambodge, Le voyage

Une réponse to “Lego géant”

  1. Patrice :

    14 mai 2010 at 16:37

    Triste nihilisme… Mais bon, il n’existe pas de puzzle infaisable 🙂

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